Il y a péril en la demeure
Le danger que représentent le
score du FN et la banalisation de ses thèmes de propagande, est traumatisant.
Que le FN fasse 25 % des suffrages exprimés, c’est
inséparable de la montée, de l’enracinement d’un comportement abstentionniste,
qui signifie un rejet de l’offre politique, des institutions actuelles, allant
jusqu’au renoncement massif, majoritaire, à exercer son droit de vote. Bien sûr
il y a la conjoncture, mais ce n’est pas seulement lié au rejet de la
construction d’une Europe contre les peuples et de la politique de droite de
Hollande. Cette crise de la démocratie, on l’a vu aux municipales, et déjà
avant, est beaucoup plus profonde.
C’est au plus profond que notre
identité communiste est bousculée : notre visée émancipatrice
qui rend les peuples solidaires et l’individu citoyen acteurs, maîtres de la
politique, contre les profiteurs du système qui confisquent les pouvoirs ;
contre l’idéologie capitaliste « libérale » du chacun pour soi en
concurrence avec les autres, dont l’hégémonie est au cœur de la mobilisation
d’un électorat FN.
Comment construire, rendre
crédible, populaire, majoritaire, une alternative politique à gauche ?
Nous avons un sérieux problème de crédibilité. D’abord sur le contenu du
projet. Par exemple sur la notion de propriété, d’appropriation collective des
biens communs de l’Humanité (eau, énergie, services, créations immatérielles,
culturelles…). Sur « l’entreprise », terme au centre du discours de
l’adversaire de classe (qui décide légitimement de ce qu’on y produit et dans
quelles conditions, sociales et écologiques ; avec quels salaires, quelles formations, quels emplois,
quels autres investissements ; qui y crée les richesses et qui doit se les
approprier ; qui doit avoir le pouvoir de gérer, de décider : les
fonds de pension, les spéculateurs financiers, les actionnaires, ou les
travailleurs, les citoyens… ?). Ce n’est pas le seul domaine où notre
apport communiste peine à avoir un sens concret, mobilisateur, et où, en même
temps des luttes de classe font émerger des
questions fondamentales.
La crédibilité, c’est aussi
passer du slogan « prenez le pouvoir » à la réalité, au mode
d’emploi. Pour moi, l’appel que j’ai signé, « pour un nouveau
départ du Front de gauche » (1), a le mérite d’appeler à mettre au
cœur, concrètement, dans la proximité, le devenir de ce que nous, avec nos
cultures venues de diverses familles de la gauche, avons réussi à commencer de faire de neuf en
2011-2012. Avec une pleine conscience du paradoxe : c’est à la
présidentielle, piège institutionnel, dispositif central de la constitution de
la V ème République, faite pour garantir que rien ne change, que nous avons eu,
nationalement, un score électoral à deux
chiffres. Puis, ce sont les vieilles habitudes des partis qui ont repris tous leurs
droits et tous leurs travers. Toutes celles et tous ceux qui pensent que le
Front de gauche peut être autre chose qu’un cartel de partis minoritaires,
qu’une machine électorale intermittente, qui ont participé à des assemblées
citoyennes, à des ateliers, n’ont cependant
pas perdu tout espoir, et parmi eux des citoyennes et des citoyens qui ne sont
pas adhérents à un parti. Il ne s’agit pas de construire un nouveau parti
gauchiste. Il est évident que le rassemblement à construire est beaucoup plus
large que la composition actuelle du Front de gauche, que des élus, des
militants, des électeurs socialistes, Verts, NPA…qui cherchent des voies en
rupture avec le « social-libéralisme », avec le capitalisme, pourront inventer avec nous d’autres formes
de travail en commun. Mais je crois qu’on sera d’autant plus fiables pour les
construire si on montre qu’on a de la suite dans les idées et qu’on ne zappe
pas aujourd’hui ce qu’on a commencé d’inventer hier.
Comment nous concevons le
rassemblement, nos rapports avec nos partenaires, est une question des plus
importantes. Elle croise dans ma tête ce que nous constatons, avec des
militants associatifs, par exemple au MRAP, dans la société : plus la situation
semble bloquée bien que révoltante, plus l’adversaire réel, de classe, est
difficile à identifier, à personnaliser, ou perçu comme trop puissant, trop
hégémonique pour être vaincu, plus les gens ont tendance à s’en prendre au
voisin qui connaît les mêmes souffrances ; parce qu’il a fait ou pas,
qu’il a dit ou pas, qu’il croit ou pas ceci ou cela ; parce que sa
différence, réelle ou imaginaire, serait responsable du malheur de tous. Bien
sûr, l’art de la politique pour nous qui voulons inventer le communisme du
XXIème siècle, ce doit être tout le
contraire : construire du commun, avec des personnes, toutes différentes
et toutes égales, avec des collectifs où chacun s’enrichit des débats et
controverses, car nul doute que l’Humain, d’abord, c’est à la fois de la
diversité et de l’unité.
(1) Au
moment où j’écris ces lignes, nous sommes déjà 1377 à l’avoir signé, en moins
de trois semaines.
Syriza, ça fait revivre l'espoir
Avec Alexis Tsipras, leader de la gauche grecque, Syriza est
en tête du scrutin européen, et remporte les élections régionales en Attique.
En Espagne, Isquierda Unida progresse, Podemos s’impose ; en Italie, en
Finlande, au Portugal, en Irlande, dans d’autres pays, des forces de gauche,
radicalement contre l’austérité, auront des députés européens. En France, si la
circonscription du Nord-Pas de Calais est perdue pour le Front de gauche,
Marie-Christine Vergiat, Patrick Le Hyaric, Jean-Luc Mélenchon retrouvent leurs
sièges, et Younous Omarjee, de l’Alliance des outre-mers, les rejoint. Le
groupe de la Gauche unitaire européenne aura au moins 50 députés, au lieu de
35. Mais en France, au Danemark, au
Royaume uni et ailleurs, la montée des droites extrêmes, xénophobes,
néo-fascistes, d’autant plus impressionnante en pourcentage des exprimés que
l’abstention populaire est massive , obscurcit l’horizon. Avec un
parlement largement dominé par les réactionnaires, les conservateurs, les socio-libéraux,
aux coalitions nébuleuses, on se dit que les luttes communes des peuples
d’Europe sont plus que jamais vitales. Raison de plus pour que le Front de
gauche trouve un nouveau souffle.
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