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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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jeudi 7 août 2014

Après l'expulsion, en attendant la prochaine...


Chambre de bébé, sur le parking de la gare Nanterre-Université
Premier acte militant après trois semaines de vacances : répondre à l’appel du comité de soutien du bidonville des Roms de Nanterre à retrouver ce qu’il reste des familles, après leur expulsion du terrain appartenant à l’EPADESA où ils avaient construit des cabanes, et organisé une vie aussi chaleureuse que précaire.
Sur les deux ou trois centaines, je n’ai revu  que quelques dizaines d’adultes et autant d’enfants, et seuls les enfants avaient conservé une indestructible joie de vivre. Où sont partis les autres ? personne ne le sait. « On attend d’être encore et encore expulsés, aujourd’hui sur ce parking, demain on sera dans un coin encore plus petit, et puis après ?  en prison ? » : le mari de Claudia nous fait comprendre son état d’âme, avec tous les mots de français qu’il peut mobiliser, et gestes à l’appui. Claudia, elle qui était notre «  interprète », est devenue presque muette, visiblement fatiguée, sinon déprimée. Suite à la destruction du bidonville, la plupart ont dormi dehors pendant une semaine, avant l’arrivée de deux ou trois tentes fournies par des associations. C’est encore sans abri, sur des matelas de fortune ou même sans matelas, qu’une vingtaine de personnes se serrent contre les piliers de béton, sous les voies ferrées, tout au bout du quai de la gare Nanterre-Université, sous le regard  indifférent des passants.  Ni point d’eau, ni sanitaires, évidemment, d’ailleurs la ville avait refusé aussi d’en installer pour le bidonville. Pourtant, on ne lésine pas pour d’autres dépenses : une barrière a été édifié à la hâte, deux véhicules et quatre agents de sécurité sont mobilisés, de peur sans doute que ce carré de goudron n’attire toute la misère de l’Ïle-de-France. Des véhicules de police patrouillent, semant la panique chez les enfants  encore traumatisés par l’expulsion précédente, qui ne sera pas la dernière : la prochaine est promise, selon les propos d’un officier de police que m’a rapportés une militante du comité de soutien : « bientôt, à tout moment, de jour comme de nuit ».   
Habitants de bidonville devenus des sans-abris sous haute surveillance et sous la menace sans trêve d’être expulsés vers une misère, s’il en existe, encore plus inhumaine   …voilà le progrès de civilisation  réservé à ces citoyens européens par les autorités de la République française.
Mais malgré tout l’être humain est admirable de résilience. Un enfant est né, à l’hôpital de Nanterre, il y a sept jours, et le bonheur de la jeune maman de 19 ans, du papa, des grands parents, de toute la grande famille, est communicatif. Au bout de quatre jours, rentabilité oblige, mère et enfant ont quitté la maternité, sans, semble-t-il, qu’un(e) assistant(e) social(e) ne se soit préoccupé(e) de leur devenir. Heureusement, des voisins les ont hébergés deux jours, puis une des tentes prêtées par les soutiens a abrité le nourrisson et sa mère, tandis que tous les autres de la famille  dormaient ou veillaient à la belle étoile. Il est vrai que grâce à l’intervention de cadres communaux, qui ont réussi à joindre le 115, après des essais infructueux de membres du comité de soutien, une chambre d’hôtel lui était réservée pour 7 nuitées. Mais c’est à Aulnay-sous-Bois. Toujours traumatisée par l’expulsion, la jeune femme a peur d’y aller, surtout qu’elle a perdu ses papiers. Et puis, sans argent, comment se nourrir sans la solidarité de la grande famille ? Surtout, visiblement, chez elle comme chez les autres Roms et chez les soutiens, la défiance de toutes les institutions est devenue très forte, après tout ce mépris, tout ce racisme, toutes ces expulsions... Les arguments de l’avocate, jointe par téléphone, la possibilité de l’y amener en voiture, d’y séjourner avec sa mère, finissent cependant par la convaincre.
Et puis l’être humain sait être solidaire et fraternel. Des voisins apportent de la nourriture et quelques objets de première nécessité. Parmi eux, une assistante sociale, qui explique aux jeunes et pour la plupart inexpérimentés militants, qui constituent la frêle ossature du comité de soutien, que l’aide à l’enfance, l’aide sociale, les assistantes sociales, dépendent du Conseil général, que c’est aux services départementaux qu’il faut s’adresser, que dans une situation de « rupture alimentaire » ils peuvent aider à faire appel à des associations caritatives,  que les familles avec des enfants ont droit à des aides, qu’on peut obtenir des hébergements…Mais les Roms ne connaissent pas leurs droits, et il y a la barrière de la langue, de la culture, et il y a surtout des discriminations racistes qui les en privent.
Enfin, je n'oublie pas, comme preuve d'espérance,  le dynamisme de Maria, qui après des études secondaires en Roumanie, bilingue de naissance grâce à sa maman hongroise, parle toutes les langues latines et en écrit la plupart, apprises en autodidacte au hasard des rencontres et des boulots dans des familles en échange du gite et du couvert. Elle veut travailler, dans l’aide à la personne, ou comme interprète, et nous demande de rechercher pour elle un job, car elle n’a pas accès à internet, et, pas plus qu’aux autres qui comme elle s’y sont inscrits, Pôle Emploi ne lui propose un travail.
Des forces existent, chez les Roms, parmi les 500 signataires de la pétition du comité de soutien, et sans doute au-delà,  qui auraient pu faire que le passage des Roms à Nanterre ne se termine pas de manière si désolante sur ce parking, par une nouvelle expulsion annoncée. Peut-être n’est-il pas encore trop tard pour qu’il n'en soit pas totalement ainsi...
 

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